Hatsumi & Mr Pailliette Bujinkan Hombu Dojo

Faux Maîtres Ninjutsu, Vrai Ego : le piège des réseaux sociaux et de l’IA

  • Le 12/10/2025
  • Dans NINJUTSU
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Ninjutsukyoto automne sakure no mori kyoto 12À l’ère des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, l’illusion du savoir envahit les arts martiaux et le bien-être.

Cet article signé Jérôme Pailliette, instructeur de Togakure Ryū Ninpō à Kyoto, dénonce la montée des faux maîtres et coachs au grand ego qui remplacent l’expérience par l’image.

Un texte puissant qui invite à retrouver l’authenticité, la discipline et la vérité du Ninjutsu dans un monde dominé par l’apparence.

Quand l’Ego prend le pas sur la Voie —L' Illusion et le danger des SNS !

Faux Maîtres Ninjutsu, Vrai Ego : le piège des réseaux sociaux et de l’IA

Togakure ryu biken jutsu

Par Jérôme Pailliette — Instructeur de Togakure Ryū Ninpō à Kyoto • NinjutsuKyoto 

À l’ère des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, les illusions du savoir se multiplient. Cet article explore les causes et les dangers de la montée des “faux maîtres” en Ninjutsu, arts martiaux et coaching bien-être, et rappelle les fondements d’un enseignement authentique, enraciné dans la voie traditionnelle.

Introduction

「知る者は語らず、語る者は知らず。」— Celui qui sait ne parle pas, celui qui parle ne sait pas.

« La connaissance, c’est comme la confiture : moins on en a, plus on l’étale. »

À travers les réseaux sociaux, chacun peut se présenter comme expert, sensei ou maître spirituel. Quelques vidéos séduisantes, un décor apaisant et des mots bien choisis suffisent à créer l’illusion d’une autorité. L’intelligence artificielle amplifie cette illusion : textes, images, slogans ou postures inspirantes peuvent désormais être générés sans expérience réelle, sans discipline, sans profondeur vécue.

Depuis Kyoto, en tant qu’instructeur formé à la tradition du Togakure Ryū Ninpō, j’observe cette dérive avec lucidité. Le Ninjutsu n’est pas une esthétique ou un effet de mode, mais une voie d’étude du corps et de l’esprit. L’ego cherche à se montrer ; la voie () enseigne à s’effacer. Mon intention ici n’est pas de juger, mais de rappeler l’importance de la sincérité et de la cohérence dans la pratique.

Cet article expose : 1) comment s’installe l’illusion digitale, 2) quelles en sont les causes profondes, 3) les dangers physiques et moraux de ces dérives, 4) les repères d’un enseignement authentique, et 5) le retour nécessaire à la pratique, au silence et à la vérité intérieure.

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I. L’ère de l’illusion digitale : quand l’image remplace l’expérience

1. La vitrine des ego

Les plateformes sociales récompensent la visibilité plus que la véracité. Une belle mise en scène, des postures spectaculaires, un discours fluide suffisent à simuler la maîtrise. Le like remplace le rei (礼) — le salut, le respect — et l’algorithme devient l’arbitre de la légitimité. L’on confond alors popularité et compétence, influence et transmission.

  • Signal trompeur : les abonnés et vues ne prouvent rien.
  • Angle mort : la caméra ne montre ni la sueur, ni la répétition, ni les années de silence.
  • Conséquence : l’élève confond l’apparence de la fluidité avec la véritable maîtrise.

2. Le “coaching minute” et le divertissement spirituel

Le culte de la rapidité a donné naissance à une industrie du “développement personnel express”. Formations “éveil en 7 jours”, certifications “maître enseignant en un week-end”… même sincères, ces démarches oublient que le corps et l’esprit ne se hâtent pas. On ne télécharge pas une posture juste : on la mûrit par la répétition consciente.

L’intelligence artificielle offre des contenus impeccables, mais sans âme : elle ne peut pas corriger un élève, ajuster un souffle, ni transmettre l’énergie du cœur. Elle imite le geste, sans ressentir la vibration. L’outil n’est pas mauvais, mais il devient dangereux quand il se substitue au lien vivant entre maître et élève.

3. Le cas du Ninjutsu : de l’icône au cliché

Dans l’imaginaire collectif, le ninja est une ombre noire, rapide et spectaculaire. Mais le Ninpō n’a rien d’un divertissement : c’est un art de la conscience, une manière d’habiter chaque instant avec lucidité. Réduire le Ninjutsu à un costume ou à des acrobaties, c’est le trahir.

« On ne devient pas ninja par l’image, mais par la sueur, le silence et la persévérance. » — Jérôme Pailliette

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II. Les causes de la dérive : reconnaissance immédiate et marchandisation du sacré

1. L’ego qui craint l’effacement

Dans un monde obsédé par la visibilité, l’ego redoute l’invisibilité. C’est cette peur de disparaître qui pousse tant d’individus à s’autoproclamer maîtres. La tradition, elle, enseigne l’inverse : plus on avance sur la voie, plus on devient humble. L’ego (我, ga) obscurcit la lumière intérieure (光, hikari) quand il cherche à briller.

2. La société de l’instant et le refus de la lenteur

Le shugyō (修行) — la pratique ascétique — demande du temps, de la régularité, de l’humilité. Or notre époque valorise le “tout, tout de suite”. Le résultat : des pratiquants sans racines, qui imitent la forme sans comprendre l’esprit. On saute les étapes, on perd la structure, on s’épuise.

  • Apprentissage réel : progression graduelle, rigueur, patience, écoute du corps.
  • Apprentissage illusoire : imitation d’images, consommation de contenu, absence de fondement.

3. La technologie comme miroir déformant

L’IA et les outils numériques créent un réalisme trompeur : un geste filmé avec fluidité ne prouve pas la maîtrise du taijutsu. La technologie reproduit la forme, mais ne transmet pas la présence.

« La technologie peut reproduire la forme du sabre, mais elle ne transmettra jamais la vibration de la main qui le tient. » — Jérôme Pailliette

4. « Fais ce que je dis, pas ce que je fais » : l’hypocrisie moderne

On voit de plus en plus de coachs de yoga, de fitness ou même d’arts martiaux prêcher la discipline, la respiration, la maîtrise — alors qu’ils incarnent l’inverse. Il ne s’agit pas ici de juger l’apparence physique, mais de souligner une incohérence entre le discours et la pratique réelle. Le maître doit être le miroir de sa parole.

En japonais, on dit : 指導とは身をもって教えること (Shidō to wa, mi o motte oshieru koto) — “Guider, c’est enseigner par son propre corps.” Si l’enseignant ne pratique plus, son enseignement devient verbe vide. La parole doit être soutenue par l’exemple, car le corps ne ment jamais.

5. Les pseudo-maîtres immobiles et leurs élèves complices

Certains pseudo-maîtres, incapables de se mouvoir, conservent pourtant leur aura grâce à des mises en scène où des élèves “jouent” la chute ou la soumission. Ces démonstrations, souvent filmées et diffusées, entretiennent la légende d’une puissance invisible. C’est une forme subtile de mensonge collectif : un théâtre de l’ego.

Le véritable keiko (稽古) — “réfléchir à l’ancien pour comprendre le présent” — exige sincérité et présence. Dans la tradition japonaise, on parle d’unité Shin–Gi–Tai (心技体) : esprit, technique, corps. Si l’un manque, les deux autres s’effondrent.

« Un enseignant qui ne pratique plus cesse d’enseigner, même s’il continue de parler. » — Jérôme Pailliette

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III. Les dangers physiques et moraux : croire à l’illusion, c’est s’éloigner de la voie

1. Les blessures du corps et de l’esprit

Lorsqu’un enseignement est fondé sur l’ego plutôt que sur la méthode, les élèves sont les premiers à en subir les conséquences. Les gestes mal compris, les postures mal transmises ou les exercices exécutés sans supervision peuvent provoquer des blessures physiques sérieuses : entorses, tensions lombaires, déséquilibres structurels. Le corps devient victime du spectacle.

Mais au-delà du corps, c’est l’esprit qui souffre. En suivant des maîtres illusoires, beaucoup perdent confiance dans leur propre discernement. Ils cherchent à l’extérieur ce qui devrait s’éveiller à l’intérieur. Le doute, la désillusion ou le rejet de toute pratique traditionnelle sont les séquelles invisibles de cette trahison du réel.

« Quand la pratique devient façade, le corps se blesse et l’esprit s’éteint. » — Jérôme Pailliette

2. La dépendance émotionnelle et la manipulation subtile

Le faux maître ne cherche pas à libérer, mais à retenir. Il promet l’éveil, la transformation, la puissance — à condition de suivre aveuglément. C’est ainsi que naissent les dépendances spirituelles, nourries par la peur et la flatterie. Les élèves deviennent captifs d’une admiration qui n’élève plus, mais enferme.

Dans le Bujindō, la mission du maître est d’éveiller l’autonomie et la lucidité, jamais la soumission. L’enseignement authentique rend l’élève libre et conscient de ses propres limites, capable de marcher seul quand le moment est venu.

« Un vrai guide t’aide à te relever, pas à t’agenouiller. » — Jérôme Pailliette

3. La perte de repères spirituels

Quand le spectacle remplace la sincérité, le dojo cesse d’être un lieu sacré. Le rituel devient une chorégraphie, la méditation un décor. On parle d’énergie et de spiritualité sans en comprendre la source. Le vide s’installe, déguisé en profondeur.

Le Togakure Ryū Ninpō enseigne que la spiritualité véritable est silencieuse, invisible et exigeante. Elle se manifeste dans la justesse du geste, dans la respiration alignée, dans le regard sincère que l’on pose sur soi-même.

« Le vrai maître n’enseigne pas la croyance, il enseigne l’expérience. » — Jérôme Pailliette

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IV. La voie authentique : incarner, transmettre et servir

1. Le retour à la transmission vivante

La voie du Ninpō est une chaîne ininterrompue : maître → élève → pratique → réalisation. Rien ne peut remplacer la présence humaine, la correction d’un regard, la rigueur du corps à corps. Le savoir n’est pas une donnée, mais une vibration transmise par la répétition et la sincérité.

En japonais, on dit : Keiko wa kokoro no kagami — “L’entraînement est le miroir du cœur.” Ce que nous faisons sur le tatami reflète ce que nous cultivons dans la vie. L’enseignement authentique forme des êtres humains, pas des images.

2. Le rôle du silence et de la pratique

Celui qui enseigne doit pratiquer. Celui qui pratique doit observer le silence intérieur. Car le silence n’est pas absence : c’est l’espace dans lequel la vérité se manifeste. L’enseignement du Mikkyo (密教) l’exprime clairement : “Celui qui sait, médite avant de parler. Celui qui parle sans méditer, s’éloigne de la voie.”

« Le silence du maître enseigne plus que mille discours. » — Jérôme Pailliette

3. La responsabilité morale du vrai enseignant

Être enseignant, c’est porter la responsabilité du bien-être physique, émotionnel et moral de ses élèves. Le maître authentique veille à ne jamais manipuler, humilier ou séduire. Il enseigne non pour être admiré, mais pour transmettre la clarté et la paix. Il s’efface devant la voie, car il sait que la vérité ne lui appartient pas.

Dans le Togakure Ryū, la valeur d’un maître ne se mesure pas à son nombre d’élèves, mais à sa capacité à éveiller la sincérité dans chacun d’eux. Le maître n’impose pas sa lumière, il éclaire le chemin pour que l’autre trouve la sienne.

« Transmettre, c’est servir la voie, non son image. » — Jérôme Pailliette

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V. Conclusion : retrouver la voie authentique dans un monde d’illusions

À l’ère de l’intelligence artificielle, du marketing spirituel et des réseaux sociaux, il devient urgent de revenir à l’essence du vrai. Le monde moderne nous pousse à briller, à séduire, à être visible — mais la véritable force réside dans la profondeur silencieuse. Là où l’ego parle, la sagesse écoute. Là où l’image s’impose, la vérité s’efface.

Le Ninpō (忍法) nous enseigne que la maîtrise ne se démontre pas : elle se vit. Chaque respiration consciente, chaque geste sincère, chaque instant vécu avec lucidité est une victoire sur l’illusion. Ce n’est pas le regard des autres qui valide la voie, mais la paix intérieure qui en découle.

« Celui qui s’entraîne sans témoin construit une force que rien ne peut imiter. » — Jérôme Pailliette

1. L’ego ou la voie : il faut choisir

Le vrai danger des “faux maîtres” n’est pas seulement qu’ils trompent les autres — c’est qu’ils se trompent eux-mêmes. L’ego cherche à contrôler, à dominer, à exister ; la voie, elle, cherche à comprendre, à servir, à disparaître. Le Ninjutsu n’est pas un art de pouvoir, mais un art de discernement : discerner le réel de l’illusion, le juste du superficiel, le vrai du fabriqué.

Le pratiquant sincère apprend à se dépouiller de tout artifice. Il ne cherche plus à “devenir quelqu’un” mais à redevenir simple. Cette simplicité est la clé de la liberté intérieure : elle libère de la comparaison, du besoin d’être vu, du piège de l’image.

2. Le silence comme réponse à la confusion

Le monde parle sans cesse — mais la sagesse demeure silencieuse. Dans la tradition japonaise, on dit : Shikan Taza (止観坐) — “S’asseoir et observer.” C’est dans ce calme que l’esprit retrouve la clarté. Un maître véritable enseigne davantage par son attitude que par ses paroles : la justesse de son regard, la douceur de son geste, la précision de son souffle transmettent ce que les mots ne peuvent dire.

« Le silence du cœur est la voix la plus forte du vrai maître. » — Jérôme Pailliette

3. Revenir à la pratique et au réel

La solution à l’illusion n’est pas la critique, mais le retour au réel. S’entraîner, transpirer, méditer, respirer, observer la nature, écouter le corps, se confronter à ses limites, apprendre dans la durée. C’est ainsi que l’on retrouve la vérité, celle que ni l’écran ni l’IA ne pourront jamais reproduire.

Dans le dojo, sur la terre humide de Kyoto, le vent, la pluie et la lumière deviennent des maîtres silencieux. Ils rappellent que tout change, que tout passe, que seule la présence reste. Et c’est peut-être cela, finalement, la véritable sagesse du Ninjutsu : être pleinement vivant au cœur de l’instant, invisible mais éveillé.

« Le vrai ninja ne fuit pas le monde, il voit au-delà de ses illusions. » — Jérôme Pailliette

4. Message de clôture

Ce texte n’est pas une condamnation, mais une invitation. À réfléchir, à observer, à revenir à la sincérité. Les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle ne sont pas les ennemis du pratiquant : ils sont des miroirs. Et dans ces miroirs, il appartient à chacun de choisir ce qu’il veut refléter : l’ego qui brille ou la voie qui éclaire.

Que cet article serve de repère pour ceux qui cherchent le vrai Ninjutsu, non dans les apparences, mais dans la transformation intérieure. La voie du Togakure Ryū Ninpō n’est pas une légende du passé — c’est une discipline vivante, un art de vivre, un engagement du cœur.

Ninjutsu kyoto


« 忍術を再び取りこむ, 心に潤いを »
Reprendre le Ninjutsu, et nourrir le cœur.

Épilogue : servir la voie, non l’image

Dans chaque époque, la vérité de la voie se perd, puis renaît. Aujourd’hui comme hier, le monde a besoin de pratiquants sincères, discrets, profonds, qui vivent ce qu’ils enseignent et enseignent ce qu’ils vivent. C’est dans ce cycle de simplicité et d’humilité que le Bujindō (武神堂) garde son essence.

La voie du ninja n’est pas celle du paraître, mais du service. Servir la vérité, servir la tradition, servir la paix. Celui qui pratique avec un cœur sincère devient un pont entre les anciens et les générations futures. Il n’a pas besoin d’être admiré : il agit, silencieusement, dans le réel.

« Le ninja ne fuit pas le monde : il l’observe, il le comprend et le traverse avec compassion. » — Jérôme Pailliette

Puissent ces mots rappeler à chacun que la vraie grandeur ne s’affiche pas — elle se vit. Et que la lumière du Ninpō continue d’éclairer ceux qui marchent, pas ceux qui posent.

 

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